Actualités
Question à un expert – Immunothérapie allergénique : de la rhinite allergique à la prise en charge globale des allergies respiratoires
Immunothérapie allergénique : de la rhinite allergique à la prise en charge globale des allergies respiratoires
Par le Pr Guillaume Lezmi, Service de Pneumologie et Allergologie Pédiatriques, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris

L’immunothérapie allergénique (ITA) aux allergènes respiratoires chez l’enfant connaît actuellement des évolutions majeures. Initialement indiquée pour la rhinite allergique (RA) modérée à sévère et persistante malgré un traitement symptomatique adéquat, les données récentes suggèrent désormais un rôle préventif de l’ITA contre l’asthme et son efficacité dans le traitement de l’asthme.
Concernant la RA, l’étude GAP, qui a comparé l’ITA sublinguale aux graminées à un placebo chez des enfants âgés de 5 à 12 ans, a montré que la réduction des scores symptomatiques obtenue après trois ans de traitement se maintenait pendant les deux années suivant l’arrêt de l’ITA (1, 2). Une métaanalyse de 16 essais randomisés portant sur l’efficacité de l’ITA sublinguale aux acariens chez les enfants et adolescents monosensibilisés confirme la supériorité de l’ITA sur les scores symptomatiques et médicamenteux de RA (3). De plus, les études effectuées à partir de bases de données des pharmacies indiquent l’ITA est associée à la réduction des traitements symptomatiques de la RA jusqu’ à 9 ans après son initiation confirmant ainsi que son effet est prolongé (4).
Les résultats de l’étude GAP suggèrent un effet préventif de l’asthme chez les enfants avec RA sur des critères incluant l’apparition de symptômes d’asthme ou l’utilisation de traitements de l’asthme (1). Une étude effectuée à partir de bases de données en Allemagne montre également une réduction de l’incidence de l’asthme chez les patients traités pour RA par ITA (5). Une métaanalyse récente suggère que cet effet préventif serait plus important chez les enfants monosensibilisés souffrant de RA et ayant suivi l’ITA pendant au moins trois ans (6).
L’ITA présente également un bénéfice sur l’asthme. Une étude effectuée à partir de registres danois a montré que la fréquence des exacerbations d’asthme diminuait de 57 % et de 74 % en moyenne pendant les 3 années de traitement par ITA aux acariens et aux pollens, respectivement (7). Des étudues effectuées à partir de bases de données d’assurance maladie en Allemagne suggèrent également que l’ITA réduit les prescriptions de traitements anti-asthmatiques ainsi que le nombre de crises d’asthme pendant les 9 années suivant l’introduction du traitement (4). En outre, une étude japonaise a récemment montré que les adultes traités pendant 5 ans par ITA sublinguale aux acariens avaient dès la première année de traitement un meilleur VEMS que les patients sous placebo (8). L’étude en vie réelle Efficapsi, qui a combiné les données du laboratoire Stallergène Greer (n=112 492 patients traités par APSI) et celles du SNDS (n=303 082 patients contrôles), a montré que l’ITA sublinguale réduisait d’environ 30 % l’incidence de l’asthme par rapport au traitement symptomatique de la RA. Chez les patients atteints de RA et d’asthme, l’ITA diminuait également de 30% le risque d’aggravation selon les critères du GINA, comparativement à un traitement uniquement symptomatique de la RA (9).
Dans ce contexte l’Académie européenne d’allergologie et d’immunologie clinique (EAACI) recommande depuis 2019 l’ITA sublinguale aux acariens chez l’enfant asthmatique pour réduire les symptômes d’asthme ou la pression thérapeutique (10). Les recommandations sur l’asthme de l’adolescent publiées en 2022 par la SP2A indiquent qu’une ITA sublinguale aux acariens ou pollens peut être proposée en cas d’allergie aux acariens et/ou aux pollens se manifestant à la fois par une RA et un asthme, pour son efficacité sur la RA voire sur l’asthme (11). De même, les recommandations de la SP2A sur l’asthme l’enfant publiées en 2024 indiquent que l’ITA sublinguale aux acariens ou graminées peut s’envisager dès l’âge de 5 ans chez l’enfant ayant un asthme allergique aux acariens ou aux graminées, au moins partiellement contrôlé, pour ses potentiels bénéfices sur les symptômes d’asthme, la fonction respiratoire et la diminution de la corticothérapie inhalée (12). Le GINA 2024 indique également qu’une ITA peut être proposée comme traitement additionnel aux enfants ayant un asthme avec sensibilisations aux aéroallergènes (13).
L’ITA demeure le seul traitement pouvant modifier l’histoire naturelle des allergies respiratoires. Elle n’est plus considérée uniquement comme traitement de la RA mais comme traitement des allergies respiratoires dans leur ensemble, incluant la RA, l’asthme et potentiellement la prévention de l’asthme.
Références
1. Valovirta et al, J Allergy Clin Immunol 2018
2. Penagos et al, J Allergy Clin Immunol 2022
3. Chen et al, International Forum of Allergy & Rhinology 2020
4. Contoli et al, J Allergy Clin Immunol 2023
5. Devillier et al, Allergy 2019
6. Farraia et al, Allergy 2022
7. Woehlk et al, Eur Respir J 2022
8. Hoshino et al, J Allergy Clin Immunol Global 2024
9. Demoly et al, Lancet Reg Health Eur 2024
10. Agache et al, Allergy 2019
11. Deschildre et al, Rev Mal Respir 2022
12. Drummond et al, Rev Mal Respir 2024
13. https://ginasthma.org/wp-content/uploads/2024/05/GINA-2024-Strategy-Report-24_05_22_WMS.pdf